PrettyLittleThing change de cap et ça n’augure rien de bon
PrettyLittleThing opère une transformation radicale, abandonnant ses codes fast-fashion pour une image plus raffinée. Un pari risqué qui fait déjà débat...
Écrit par Erine Viallard le

La marque britannique PrettyLittleThing, connue pour ses prix mini et ses silhouettes audacieuses, s'est offerte une métamorphose impressionnante (et qui n'est pas franchement une bonne nouvelle). Sous la houlette de son cofondateur, Umar Kamani, le e-shops'est lancé dans un "nouveau chapitre" axé sur une vision de "luxe accessible" - un vrai changement.
Après un retour discret en septembre 2024, PLT n’a cessé de remodeler son image, nous dévoilant progressivement une nouvelle esthétique, plus raffinée, plus "luxe". Et l’enseigne ne s'est pas arrêtée là, elle s'est appliquée à se reconstruire une image de marque plus premium, que ce soit en s'affichant pendant la Fashion Week de Londres ou en misant sur des égéries comme Rosie Huntington-Whiteley et Kelly Rutherford.
Nouveau logo, nouvelle ligne de produits, nouvelle identité visuelle, mais la question persiste... PLT marque un nouveau départ, mais est-ce vraiment le chemin qu’attendaient ses fidèles ? En tout cas, cette transformation radicale est loin de faire l’unanimité...
@muinatabdul trying pretty little things rebrand… #plt#prettylittlething#pltplussize#plussizefashion♬ original sound - muinat
PrettyLittleThing veut devenir chic (et le changement est plutôt radical)
Exit les couleurs vives et les silhouettes ultra-sexy, place aux teintes neutres (boring) et aux coupes plus sobres. Un repositionnement qui s’inscrit dans la tendance du "Quiet Luxury" – ce style minimaliste inspiré des codes du luxe – déjà adopté par de nombreuses marques. Mais cette nouvelle direction suscite une question : PLT ne risque-t-elle pas d’y perdre son identité ? - Spoiler alert : si.
Les consommatrices de la marque sont déçues. Sur les réseaux sociaux, les clientes françaises comme britanniques, ont crié au scandale, estimant que leurs produits étaient devenus moins attrayants - et surtout moins inclusifs.
Si certaines apprécient l’idée d’une mode plus raffinée, d’autres regrettent l’époque où PLT incarnait une féminité plus assumée et destinée à toutes les femmes. Un changement d’autant plus frappant quela marque était perçue comme l’un des piliers d’une mode abordable et décomplexée.
@monsterlool La bbl era est réellement fini 😭🤣 #prettylittlething#rebranding#pourtoi#CapCut♬ Awkward Moments - AstroMusic
Une nouvelle identité non inclusive ?
Ce rebranding a rapidement été perçu comme un éloignement des valeurs initiales de PLT. L’une des critiques les plus virulentes concerne la diversité des tailles - élément clé du succès de la marque. Sur TikTok, une consommatrice de la marque s'est plaint de ce changement d'identité : "PrettyLittleThing ils ont vraiment dit f*ck les grosses, nous on est là pour les skinny et les clean girl. (...) Vos habits courts bien serrés c'est pas chez nous, vos modèles plus size c'est plus chez nous. Les obèses c'est hors du site, les pécheresses c'est ailleurs, nous ici c'est les vêtements de la bourgeoisie".
Oui, célèbre pour son inclusivité, PLT arrête désormais sa gamme principale au 44 - et c'est insane de nos jours. Et pour celles qui portent des très grandes tailles, il n'y a que - ou presque que - des joggings... le tout, portées par des mannequins bien moins pulpeux que ce à quoi la marque nous avait habitués. Bref, les grandes ont été rayées des collections et ça ne semble gêner personne.
Car si l’ère du Brazilian Butt Lift reste critiquable pour de nombreux aspects -notamment la promotion d’un corps impossible à obtenir sans passer par la case chirurgie - elle avait au moins le mérite de promouvoir des corps plus ronds et d’offrir des modèles sexy aux femmes dépassant le 44.Aujourd’hui, c’est fini, cette même femme célébrée par l’entreprise née à Manchester doit aujourd’hui se planquer derrière des modèles amples et couvrants.
En gros PLT a dit : "la diversité, c’est terminé, rangez-moi tout ça, ici on est chic, et racistes" s’amuse à résumer la créatrice de contenu Monsterlool sur TikTok.
Un constat brutal qui résume bien le malaise. En adoptant les codes de la mode "chic", PrettyLittleThing semble délaisser une partie de sa clientèle fidèle. Et cette transformation soulève un débat plus large sur l’inclusivité dans l’industrie de la mode. À l’heure où l’acceptation de toutes les morphologies est un sujet central, certaines marques semblent encore régresser.
Un pari risqué
Au-delà du bad buzz, ce repositionnement stratégique pourrait aussi avoir des conséquences économiques. En s’éloignant de la fast-fashion telle qu’elle l’a toujours incarnée, PLT prend le risque de se heurter à une clientèle qui ne s’y retrouve plus. À l’inverse, l’image de "luxe abordable" qu’elle tente d’adopter la met en concurrence direct avec des marques comme Zara ou Mango, déjà bien implantées sur ce créneau.
Et si c'était ça la stratégie de PLT ? Oui, PrettyLittleThing veut s'aligner sur des tendances actuelles et attirer une clientèle aspirant à un style plus sophistiqué - comme Zara quoi. Mais cela pose une question fondamentale : les femmes grandes, avec des formes, noires, ou simplement hors des canons classiques de la mode ne seraient-elles pas, elles aussi, sophistiquées ?Car à en voir leur changement radical de mannequins et de tailles proposées on dirait que leur look chic n'est réservé qu'aux femmes blanches et maigres.
Et on comprend pourquoi c'est est problématique. Pendant des années, PLT s’est imposée comme une alternative aux marques traditionnelles en mettant en avant une diversité de corps et de visages que l’on ne voyait pas ailleurs. Désormais, en cherchant à imiter d'autres enseignes, la marque semble faire marche arrière. Exit les mannequins aux courbes généreuses et les campagnes inclusives, on revient aux bons vieux standards d’une féminité calibrée, affinée et moins audacieuse.
L’inclusivité était-elle juste une tendance marketing temporaire ? Une chose est sûre, ce rebranding, au-delà de son ambition économique, reflète une réalité persistante dans l’industrie de la mode : dès qu’une marque veut gagner en prestige, elle sacrifie d’abord la diversité. Ce retour aux standards d’un mannequinat ultra-mince et exclusivement blanc, n’est pas anodin. Il s’inscrit dans un climat où les idéaux conservateurs gagnent du terrain, prônant ainsi une vision réductrice de la féminité : sage, pure, effacée, et surtout conforme à un modèle qui ne représente qu’une infime partie des femmes. Comme toujours, l’esthétique n’est jamais qu’une question de mode, mais bien un reflet des rapports de pouvoir dans la société.
Bref, ce rebranding n’a pas fini de faire parler de lui.