Le vernis à ongles pour homme : un pied de nez au patriarcat ?

D'A$AP Rocky en passant par Joe Jonas ou encore Harry Styles, nombreuses sont les personnalités publiques masculines à arborer des ongles vernis. Si cela dérange les plus conservateurs, ce geste n'en reste pas moins anodin... C'est même devenu un mouvement de revendication contre les normes patriarcales.

Écrit par Juliette Gour le

Si pendant longtemps on a associé le vernis à ongles aux femmes pensant qu'elles en avaient le monopole, cette période est aujourd'hui révolue. Comme pour les crop tops (et même les jupes), la mode n'a plus rien d'exclusif et elle se partage entre les genres. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir, sur les red carpet comme sur TikTok, des hommes arborant fièrement des ongles aux mille couleurs et ce, qu'ils soient de la communauté LGBTQIA+ ou hétérosexuels. Harry Styles, Joe Jonas, Brad Pitt, Jhope des BTS, A$AP Rocky, Squeezie... La liste est interminable.

Aussi anodin que cela puisse paraître (ce ne sont que des ongles colorés), les conservateurs du fond de la salle et autres réfractaires au changement pointent du doigt les ongles peints : ça les dérange de voir des hommes avec du vernis... Pourquoi ? Sûrement parce que c'est un nouveau coup de pied dans la fourmilière du patriarcat et de la gentrification qui pèse sur les femmes et les hommes.

Mais grâce à eux et à leur aversion pour le nail art et la french manucure, le vernis est devenu un symbole de ralliement. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus de jeunes (et moins jeunes) hommes montrent fièrement leurs mains en guise d'appartenance à un mouvement résolument tourné vers l'avenir.

Malgré ce que l'on peut croire, le mouvement n'est pas né hier. Comme pour les crop tops, le vernis à ongles pour homme était déjà un sujet dans les années 90. Mais, il y a 25 ans, ce privilège de l'ongle peint semblait réservé aux rockeurs et autres adorateurs de la mouvance grunge, alors que maintenant...

Le vernis à ongles pour homme, la réminiscence des 90s pour une génération nostalgique d'un passé pas si lointain

Sur les réseaux sociaux (TikTok en tête), on voit de plus en plus de jeunes de la génération Y à la génération Z s'inspirer et même regretter la période bénie des années 90. Un passé pas si lointain qui fait fantasmer une génération née à l'époque du 100% digital. Des looks aux maquillages, tout semble leur donner envie de retourner dans le passé à la sauce Marty Mcfly : soit une époque où l'on se posait moins de questions et où la mouvance grunge était d'une popularité sans faille. C'est également l'époque bénie des hommes en crop-tops, plus sexy que jamais, le nombril à l'air. Mais les balbutiements de cette nouvelle forme de masculinité ont été tués dans l'œuf à l'aube des années 2000 et si le métro sexuel est le symbole des 00s, il avait les ongles naturels et un marcel moulant le torse... Pourtant, grâce à cette génération qui envie leurs aînés, de nombreux symboles sont en train de revenir sur le devant de la scène : vernis, t-shirts courts et adoration d'icônes masculines que l'on pensait bloquées dans le passé. 

David Bowie, Kurt Cobain, les membres du groupe Tokyo Hotel, ils ont tous été, à leur époque, une représentation particulière de la masculinité. L'autre point commun entre ces 3 exemples, ce sont leurs ongles : eux aussi se sont peint le bout des doigts pour assumer leur style, mais, surtout, se positionner en marge d'une masculinité toxique. Au fil de leur carrière, ils se sont construit une image, un personnage travaillé jusqu'au bout des doigts pour trancher avec ce qui était considéré comme la norme en 80, 90 et 2000. Et si dans l'histoire on note que dès l'Égypte antique ou à la grande époque de l'Empire chinois les hommes (guerriers) peignaient déjà leurs doigts pour passer des messages ou symboliser leur force, en occident, cela a longtemps été un affront. 

Cette nouvelle génération, qui utilise TikTok comme personne, a décidé de récupérer ces codes (poussés par des figures pivot de la pop culture comme A$AP Rocky ou Taylor The Creator) pour (ré)affirmer la mort de la masculinité telle que la société l'entend. Les hashtags #guyswithnailpolish ou #boyswithnailpolish cumulent des millions de vues et ce n'est pas pour rien : sous couvert d'une esthétique léchée, des hommes du monde entier, qu'ils soient hétéros, bi ou queers, redessinent les contours d'une masculinité nouvelle et prouvent qu'un homme avec du vernis est aussi viril qu'un bûcheron au torse velu. 

Les ongles vernis : le symbole d'une génération qui en a marre de la gentrification ?

En grattant un peu le vernis (sans acétone ni dissolvant), on se rend rapidement compte qu'une montagne d'espoirs et de messages se cache derrière le simple fait de se peindre les ongles : il y a l'aspect esthétique, d'une part, parce que les hommes aussi ont le droit à la coquetterie, mais il y a surtout des siècles de pression patriarcale qui a plié les hommes à des normes de "vrai mec". Sauf quelques rares privilégiés comme Monsieur, le frère de Louis XIV, qui était connu pour être l'homme le plus féminin de la cour, tous les hommes ont dû se plier à des règles tacites, pensées pour conserver et préserver leur "virilité" (tout du moins en occident). 

Sauf que, depuis quelques années déjà, on est face à une génération qui semble en avoir marre des règles préétablies. Sur les réseaux sociaux, dans les séries (merci Netflix et consorts) ou encore sur YouTube, de plus en plus de voix s'élèvent contre ce que la société attend de la jeunesse : libération des frontières entre les genres, libération de la parole autour des sexualités, popularisation de la tendance "no gender"… Les jeunes en ont manifestement marre de ce carcan imposé par la bien-pensance des aînés qui les bride dans leurs envies et dans leur besoin de liberté. 

On le sait, les symboles ont une voix, un véritable poids dès qu'il s'agit de lutte : les femens ont choisi la poitrine pour représenter la féminité forte et puissante, la communauté LGBTQIA+ a choisi l'arc-en-ciel pour représenter toutes les nuances de l'humanité... Et la jeune génération en mal d'identification a décidé de miser sur quelque chose de très féminin et de la masculiniser pour qu'il n'y ait plus de gentrification normée (il en va de même pour le crop-top qui se porte aussi bien au masculin qu'un féminin). 

Des porte-parole 5 étoiles pour un combat gagné d'avance

Si toute une génération a pu (et a eu le courage) de se lancer dans un mouvement massif, c'est surtout parce que des personnalités publiques, identifiées comme hétérosexuelles, ont montré leurs mains manucurées, et ce, sans le moindre problème.

Dans l'ancienne génération, on relèvera évidemment Brad Pitt qui, un jour, sur le tapis rouge est apparu avec les ongles vernis. L'acteur avouera après coup que c'était ses enfants qui s'étaient amusés à lui mettre du vernis et qu'il avait trouvé ça trop sympa pour l'enlever. Idem pour Keanu Reeves ou encore Johnny Deep qui ont déjà été vu maintes fois les ongles peints.  

Dans les nouveaux porte-parole, on retrouve en tête de peloton le British boy next door Harry Styles qui, non content d'être un amoureux du vernis, a décidé de lancer Pleasing, une marque de vernis à ongles no gender (la twittosphère s'attend déjà à un carton planétaire). Dans un autre genre musical, il est impossible de ne pas citer les stars de Kpop qui, en plus de mettre du vernis,  propagent une toute nouvelle vision de la masculinité jusqu'alors inconnue (ou presque) en occident : des superstars BTS en passant par les membres du groupe Stray Kids ou encore Ateez, les exemples ne manquent pas de l'autre côté de la terre (et personne ne semble trouver ça choquant en Asie). À ce florilège d'exemples, on peut évidemment ajouter Jared Leto, Andrew Garfield, Jason Momoa (oui, même le Khâl met du vernis), Brooklyn Beckham, Seal, Darren Criss, Marc Jacobs...

La liste semble sans fin... Et on ne va pas s'en plaindre, car si autant de personnalités publiques semblent n'avoir aucun mal à sauter le pas, c'est bien parce que les réticences des conservateurs face à cette vague de doigts vernis sont un non-sujet sur lequel on ne devrait même pas débattre tant il paraît normal que les hommes aient, eux aussi, le droit de mettre du vernis (qu'il soit rose, bleu caraïbe ou lilas).

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Juliette Gour

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