Procès des viols de Mazan : face à son ex-mari et ses 50 agresseurs, Gisèle Pélicot prend la parole

Victime de soumission chimique par son mari, elle a été violée à son insu par près de 80 hommes rencontrés sur Internet, 92 fois, pendant 10 ans. Ces chiffres terrifiants articulent le procès hors normes de Mazan, qui a débuté ce lundi 2 septembre ​​à la cour criminelle départementale du Vaucluse, en Avignon.

Écrit par Téa Antonietti le

Gisèle Pélicot a 68 ans quand sa vie bascule, le 19 septembre 2020, lorsqu’une arrestation de son mari depuis 50 ans met le doigt sur 20 000 photos et vidéos d’elle, inerte sur son lit, violée par des inconnus. Il lui faut 2 ans avant de pouvoir regarder les vidéos. Aujourd’hui, nous sommes 4 ans après la mise en garde à vue de Dominique Pélicot. Face à lui et les 50 “monsieur tout le monde” jugés pour avoir abusé d’elle à son insu durant une décennie de l’effroi, la brave Gisèle Pélicot prend la parole

À l'ouverture du procès, la victime a d’abord fait preuve d’un courage sans précédent en refusant le huis clos, afin de rendre l’audience publique et dévoiler au monde ce récit de l’horreur, que “la honte change de camp”. En trois jours d’audience, Gisèle Pélicot ne flanche pas. La septuagénaire reste stoïque face aux rapports des enquêteurs sur les 92 viols qu'elle a subis. Plus encore, elle est combative, comme elle le cite : “Je suis comme un boxeur qui tombe et à chaque fois je dois me relever”. Ce matin, aux côtés de ses trois enfants et de ses avocats, Gisèle Pélicot entre dans le tribunal le regard droit, la tête froide. Elle fait face à ses agresseurs et à son ex-mari pour la toute première fois.

Gisèle Pélicot raconte le jour où tout a basculé

D’un récit construit et très bien articulé, Gisèle Pélicot débute son élocution par le jour où tout s’est effondré. Elle raconte la “bêtise” de son mari, surpris en train de filmer sous la jupe de trois femmes au supermarché, avant qu’elle ne soit convoquée près de deux mois plus tard au commissariat. Lorsqu’elle évoque son mari à l’époque, elle évoque “un chic type”, avant que le policier chargé de l’enquête ne lui annonce : "Je vais vous montrer des choses qui ne vont pas vous faire plaisir." C’est là que tout bascule. 


Ce jeudi 4 septembre 2024, à 9 heures, elle décrit la première fois qu’elle découvre les images de l’horreur. "Ce monsieur va me montrer une photographie. Je n’ai pas mes lunettes. Je ne reconnais pas la femme sur le lit. Il me dit 'Mme Pelicot regardez bien'. J’ai du mal à me reconnaître, je suis habillée d’une certaine manière. A la troisième photo, je lui dis 'on arrête, ce sont des scènes de viol, je suis inerte, endormie et on est en train de me violer. Le viol n’est pas le bon mot, c’est de la barbarie. Je n'ai qu’une envie, de me réfugier chez moi."

Elle décrit les scènes de l’horreur mais ne flanche pas

Cela fait 40 minutes qu’elle raconte les vidéos de viol qu’elle a réussi à visionner. À la barre, Gisèle Pélicot affirme avoir tout vu et exprime l’horreur avec courage et fermeté : "Ce ne sont pas des scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, ils sont à deux, trois sur moi. Je suis inerte. Je n’ai jamais pratiqué ni le triolisme, ni l’échangisme. On pourra m’apporter toutes les preuves possibles, je suis sereine par rapport à ça."

Imperturbable jusque-là, lorsque la colère monte, son témoignage glaçant s’intensifie :"J'ai été sacrifiée sur l'autel du vice". "Quand on voit cette femme, droguée, maltraitée, une morte sur un lit, bien sûr le corps n’est pas froid, il est chaud, mais je suis comme morte."

Gisèle Pélicot s’adresse à toutes les femmes victimes de soumission chimique

Il est 10 heures. Après être revenue sur les vidéos terrifiantes filmées par son mari, Gisèle Pélicot aborde son refus du huis clos, affirmant son soutien aux victimes de soumission chimique : "J’ai tenu pour ce procès, pour moi le mal est fait. C’est surtout pour ça que j’ai voulu lever ce huis clos. Je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne seront peut-être jamais reconnues comme victimes.".


Cela fait plus d’une heure qu'elle s'est exprimée. Gisèle Pélicot achève son témoignage avec une déclaration qui interpelle : "Je pense avoir tout dit, je ne voudrais surtout pas endormir ces hommes." Il faut savoir que sa fille, Caroline Darian - très investie dans l’affaire et jusqu’à maintenant porte-parole de sa mère dans les médias et la presse -, a fondé l’association #MendorsPas pour mieux lutter, aux côtés de toutes les victimes, contre le fléau sociétal qu’est la soumission chimique.

À 11 heures, la victime fait face aux accusés 

Dans la salle, ils sont 51 accusés avec son ex-mari, dont 35 refusant d’avouer toute intention de viol. Face à ses agresseurs, Gisèle Pélicot les appelle à assumer leurs crimes : "Je trouve légitime qu’ils reconnaissent les faits, le contraire est insupportable. Il y a déjà un sentiment de dégoût. Qu'ils aient au moins une fois dans leur vie la responsabilité de reconnaître leurs actes". Pendant sa prise de parole, Dominique Pélicot a les yeux au sol, lui qui a reconnu l’entièreté des faits reprochés.

"Quelle femme peut vivre ça ?" Gisèle Pélicot évoque le traumatisme

"J’ai un sentiment de dégoût, on avait tout pour être heureux, tout. Je ne comprends pas comment il a pu en arriver là". Si la victime de 72 ans regarde sa vie passée avec douleur, elle fait désormais part de son état actuel. "A l’intérieur de moi, je suis un champ de ruines. La façade est solide mais derrière…" 

Après une prise de parole de deux heures, à faire preuve d’une force ahurissante, Gisèle Pélicot semble épuisée et aborde, troublée, la suite vers l’inconnu : “Tout ce qui me reste ce sont mes enfants, deux valises et mon chien. J’ai tout perdu mon mari, ma vie. Je ne sais plus qui je suis, ni où je vais, je n’ai plus d’identité”. 

La séance est suspendue et alors que l'ensemble des avocats, journalistes et spectateurs du procès saluent son courage et sa dignité, la septuagénaire exprime son souhait que "la justice soit exemplaire".

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