Il est temps de prendre le pouvoir économique des fan girls au sérieux

Si vous avez attendu des heures derrière votre ordinateur pour acheter des places pour le concert de Taylor Swift à Paris ou que vous avez refait votre garde-robe pour voir Beyoncé au Stade de France, vous êtes une fan girl. Autrefois synonyme de moquerie, c’est le moment de claquer le bec à vos haters. Oui, car vous êtes une force majeure, étudiée par les économistes et les banques centrales. Alors, ça fait quoi d’être la sauveuse de l’économie mondiale ?

Écrit par Clara-Douce McGrath le

PS. : On sait, être fan de Taylor Swift ne va pas résoudre le chômage des jeunes ou la crise de la dette. Mais face à des clichés persistants sur les passions féminines, chez C’est qui la Boss, on a choisi de célébrer le pouvoir économique des jeunes femmes. 

C’est un phénomène que les économistes étudient depuis quelque temps. Selon eux, nous aurions évolué d’une économie de l’attention, concentrée sur la conversion des vues en revenus pour un modèle (un peu) plus pérenne : l’économie de la fan girl. Pour eux, le point de bascule se situe à l’été 2023 avec les tournées de Beyoncé et Taylor Swift. Ce n’était pas seulement des tournées particulièrement lucratives pour les artistes, mais vraiment des événements pour leurs fans, avec des tenues - on se souvient de l’ambiance cowboy de l'espace noir et argent des fans de Beyoncé - et des activités communautaires dédiées, comme les bracelets échangés lors des concerts de Taylor Swift. Les effets de ces tournées aux Etats-Unis ont été immédiats : le passage de Taylor Swift aurait généré 320M$ dans la région de Los Angeles, alors que les fans du Renaissance Tour ont dépensé 18,2M$ dans les hôtels de la région de Houston uniquement, selon les banques centrales de Californie et du Texas. En France, la tournée de Taylor Swift fait déjà augmenter les prix des Airbnbs.

C'est quoi la définition de la "fan economy" ?

Une fan girl, c’est avant tout une admiratrice d’un (ou d’une) artiste, qui adhère à la culture fan de cet artiste. Mais ce qui la différencie d’un simple fan, c’est l’aspect performatif de son admiration. Elle va mettre en scène son admiration sur les réseaux sociaux, rejoindra des communautés d’autres fans et va participer à des rituels qui lui permettront de s’identifier à sa communauté de fans, comme s’habiller d’une manière particulière pour aller à un concert. Une fan girl, c’est surtout un personnage hyperféminin, plutôt jeune, et pas vraiment pris au sérieux. Enfin, jusqu’à maintenant.

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L'économie de la fan girl, qui s'inscrit dans la suite de la culture fan des années 1990 se concentre sur les passions plutôt que sur la capacité à capter l’attention d’un individu. C'est un changement important pour notre paysage économique. Elle a des impacts sur le marketing, le développement de produits ou même sur la politique. Selon Jamie Cohen, professeur de journalisme au Queens College de l'Université de la Ville de New York, "l’économie de l'attention se caractérise par l’intérêt bref porté sur n'importe quel sujet, avec des algorithmes qui se concentrent sur l’engagement. Cela se traduit par un pic d’intérêt pour les médias traditionnels et des tendances de courte durée. En revanche, l'économie des fans est bien plus puissante car un petit groupe d'utilisateurs passionnés est bien plus précieux que des millions de followers de tendances éphémères".

Comment la théorie de la fan économie nous impacte-t-elle ?

L’économie de la fan girl, c’est avant tout les dépenses générées par les passions des fans. Mais ça va plus loin. 

L’appartenance à une communauté de fans en ligne joue un rôle essentiel dans la manière dont les fans dépensent de plus en plus de leur argent pour participer aux tournées ou s’engager. Un post de Taylor Swift pour rappeler à ses fans l’inscription sur les listes électorales en septembre 2023 a poussé plus de 35 000 personnes à s’inscrire, soit une augmentation de 23% par rapport à l’année précédente. Tant et si bien que la Commission européenne a fait de l’appel du pied à la chanteuse pour les élections européennes. Ce qui est intéressant, c’est que les fan girls ont réussi à être une force à prendre en compte en termes de marketing et de développement de produit. Ou même de la communication politique.

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Cette tendance ne se limite pas uniquement aux chanteuses aux multiples Grammys. On trouve le même type de communautés autour de livres, de jeux vidéo ou encore de films. Le phénomène n’est pas nouveau. On retrouve le même type de culture fan autour de films cultes comme Star Wars ou Harry Potter. Mais c’est l’impact des communautés en ligne et la manière dont elles amplifient les dépenses de leur membre qui est véritablement révolutionnaire.

Le deuxième changement majeur, par rapport à des films qui fédéraient des fans ultra engagés comme Star Wars par exemple, c’est que ces communautés sont majoritairement composées de femmes. Quel est le point commun entre Beyoncé, Taylor Swift et Barbie (les 3 plus grands succès de l’été 2023) ? Leurs communautés de fans sont principalement composées de fans féminines (et dans une moindre mesure des fans LGBT+). Les jeunes femmes n’ont jamais autant travaillé et n’ont jamais autant gagné d’argent. En se mariant et en ayant des enfants plus tard, les jeunes femmes (les millennials et la Gen Z) ont des revenus disponibles et le temps nécessaire pour se rendre à des concerts, organiser des clubs de lectures autour de leurs auteurs préférés et passer des week-ends entre copines. Et ces jeunes femmes sont prêtes à dépenser beaucoup pour des expériences qui leur procurent de la joie. Les fans américaines de Taylor Swift ont dépensé plus de 1300$ en moyenne pour assister à un de ses concerts. 

Pourquoi c'est un synonyme de l'impact des femmes sur l'économie ?

L’année 2023 a été marquée par une résurgence du terme “girl”, que ce soit avec les hashtags #girlmath ou #cleangirl, ou même la girl economy, un terme inspiré du succès retentissant du film Barbie. Une remise à jour qui correspond au pouvoir économique croissant des jeunes femmes.

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Et cette mise à jour est importante car les hobbies et les intérêts des femmes ont souvent été tournés en ridicule. On peut prendre l’exemple du maquillage par exemple, alors que c’est un hobby qui demande des compétences techniques importantes et qui s’intègre dans un marché qui génère plus de 45 milliards d’euros en 2021. L’image dans notre imaginaire collectif est celle d’une personne futile ou vaniteuse. Et cela vaut pour les femmes comme pour les hommes qui se maquillent. La société a même tendance à encourager les hommes à détester les intérêts féminins. On le retrouve par exemple dans le personnage de Taylor Swift, qu’elle a elle-même dénoncé - qui est décriée comme une hystérique qui n’écrit que des chansons à propos de ses ex. Ou encore Aya Nakamura accusée d’être vulgaire car elle aborde des thèmes explicitement sexuels dans ses chansons. Les femmes ont nécessairement des intérêts futiles et sont excessives dans leurs passions, comme dans le fait d’être une fan passionnée d’une artiste. Est-ce qu’on a jamais eu le même jugement sur les hommes qui passent des heures à refaire les matchs de foot de leurs équipes préférées ? Pire encore, on accuse des artistes comme Beyoncé, Adèle ou Taylor Swift de vendre des places de concert trop chères. Est-ce qu’on se pose la même question sur le prix des places des matchs PSG-Barcelone ?

Or, ce que nous apprend l’année 2023, c’est que les femmes sont un moteur de croissance économique, ignoré depuis trop longtemps, ou limité à des secteurs spécifiques comme la beauté ou la mode. C'est le moment de mentionner à votre oncle bougon au prochain dîner de famille que, non, le film Barbie n’est pas surcoté, qu'il intéresse jusqu'aux banques centrales, et qu’il est temps de prendre les industries dîtes "féminines" au sérieux. Et ça vaut particulièrement pour l'argent des femmes, surtout quand on sait que leurs placements financiers performent mieux que ceux des hommes !

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Tags :

Argent|C'est qui la Boss|Cash Sur Table
Clara-Douce McGrath

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