Polanski échappe encore à la justice (et on souffle fort)

Roman Polanski échappe à un procès civil pour viol sur mineur en Californie. Alors que le réalisateur multiplie les accusations de violences sexuelles depuis des années, il semble toujours bénéficier de l’impunité.

Écrit par Camille Cortot le

Encore un nouveau chapitre dans l’histoire judiciaire interminable de Roman Polanski. Le cinéaste franco-polonais, accusé de multiples agressions sexuelles sur mineures, ne sera finalement pas jugé pour l’une des affaires qui devait se tenir en août 2025 en Californie. L'accusation portait sur des faits survenus en 1973, mais les parties ont trouvé un accord, annulant ainsi le procès civil. À 91 ans, Polanski échappe donc une fois de plus à la justice, alors qu’il avait déjà fui les États-Unis en 1977 après avoir été condamné pour viol sur une mineure.

Ici, la plaignante affirmait que le réalisateur l'avait emmenée dans un restaurant de Los Angeles, lui avait fait boire de la tequila, avant de l’emmener chez lui pour l’agresser sexuellement. Malgré ses supplications, Polanski aurait continué, lui causant des souffrances physiques et psychologiques profondes.

Ce rebondissement judiciaire rappelle une fois de plus que Roman Polanski est l’homme qui semble constamment échapper aux conséquences de ses actes. Depuis plus de 40 ans, il est en fuite des autorités américaines après avoir plaidé coupable pour "détournement de mineure" dans l'affaire Samantha Gailey. Malgré des mandats d'arrêt internationaux, des arrestations temporaires, et des demandes d'extradition, Polanski n’a jamais été jugé pour l’ensemble des accusations portées contre lui. On fait le point.

Des décennies d'accusations étouffées par le succès

Roman Polanski n’en est pas à sa première accusation de violences sexuelles. Le réalisateur, souvent salué pour ses œuvres cinématographiques primées, traîne de gros scandales. Le plus connu reste celui de Samantha Gailey : en 1977, Polanski, alors âgé de 43 ans, avait drogué et violé cette adolescente de 13 ans lors d’une séance photo chez l’acteur Jack Nicholson à Los Angeles. Après avoir plaidé coupable pour relations sexuelles illégales avec une mineure, il avait été condamné à trois mois de prison, mais n'en avait purgé que 42 jours avant de fuir les États-Unis à la veille de l’audience qui devait finaliser son accord de peine. Depuis, il vit en Europe, protégé par l’impossibilité d’extradition de certains pays, comme la France, qui refuse de livrer ses ressortissants.

Mais ce n’était que le début d’une longue liste de victimes présumées. En 2010, l’actrice britannique Charlotte Lewis l'accuse de l’avoir violée à l’âge de 16 ans, lors d’un casting à Paris. D’autres femmes, comme Renate Langer et Marianne Barnard, sont venues témoigner, affirmant avoir subi des agressions de la part du réalisateur dans les années 1970. 

En 2017, après l’émergence du mouvement #MeToo, de nouveaux témoignages sont apparus, comme celui de "Robin", une femme affirmant avoir été agressée en Californie en 1973 alors qu'elle avait 16 ans. Valentine Monnier, une photographe française, a également accusé Polanski de l’avoir violée en 1975 lorsqu’elle avait 18 ans, un acte qu’elle décrit comme extrêmement violent.

Malgré tout, aucune de ces affaires n’a jamais abouti à une condamnation définitive. L’ensemble des accusations, bien que souvent prescrites, a soulevé des vagues d’indignation, mais a rarement trouvé écho dans les tribunaux. Le cas de Polanski symbolise pour beaucoup un certain deux poids, deux mesures, où la célébrité et le pouvoir semblent avoir offert une immunité au rélisateur.

Séparer l’homme de l’artiste

La question qui revient sans cesse dans le cas de Roman Polanski est celle de la séparation entre l’homme et l’artiste. Pendant des années, malgré les scandales,le réalisateur a continué à recevoir des récompenses prestigieuses et à être célébré pour son œuvre.

 En 2002, il remporte l’Oscar du meilleur réalisateur pour Le Pianiste, et en 2019, il reçoit le César du meilleur réalisateur pour J'accuse. Pourtant, ces succès ne sont pas sans controverse. L’attribution du César à Polanski en 2019 avait notamment provoqué un séisme dans le monde du cinéma français. L’actrice Adèle Haenel avait quitté la cérémonie en signe de protestation, dénonçant publiquement l’omerta qui règne autour des violences sexuelles dans l’industrie du cinéma. Ce geste puissant a symbolisé un tournant dans l’attitude face à des artistes accusés de violences sexuelles.

Un milieu encore trop silencieux

Les voix s’élèvent désormais de plus en plus fort contre cette culture du silence. Judith Godrèche, qui avait révélé avoir été victime de violences sexuelles par les réalisateurs Jacques Doillon et Benoit Jacquot en début d’année, a elle aussi, contribué à libérer la parole autour des abus dans le milieu du cinéma.

Le fait que Polanski puisse continuer à exercer malgré ses nombreuses accusations est devenu pour beaucoup le symbole d’une industrie qui ferme les yeux sur les violences faites aux femmes. Si, pendant des décennies, l’idée de séparer l’œuvre de l’homme était admise, ce postulat est aujourd’hui de plus en plus remis en question. Peut-on encore apprécier les films d’un réalisateur accusé de tant d’atrocités ?

Le monde du cinéma, autrefois silencieux, commence à se réveiller. Avec l’ère #MeToo, les victimes prennent la parole, et l’image de l’artiste intouchable s’effondre peu à peu. Mais il reste encore beaucoup d’impunité dans le milieu du cinéma et le temps où les récompenses pouvaient faire oublier les horreurs commises par un artiste, devrait être révolu.

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