Comment les séries des années 90 ont influencé une toute nouvelle génération de féministes
Fin 90, un vent de nouveauté souffle sur le petit écran. Les showrunners sont lassés par les petites filles bien rangées et décident de donner leur chance aux personnages badass qui sauvent le monde. Ce choix fera l'effet d'une bombe et d'une révolution qui influencera toute une génération.
Écrit par Juliette Gour le

Le petit écran a plus d'influences qu'on ne le pense. C'est vrai, lorsque l'on réfléchit, les heures passées devant nos séries favorites ont forcément un impact, plus ou moins tangible, sur nos choix et notre façon de penser. Si Gossip Girl nous a mis dans la tête que les hommes toxiques étaient cruellement sexy, la génération d'avant a eut droit à des séries plus éclairées.
Les millennials ont été gâtés - et pour cause - si les oppose souvent aux autres générations, c'est parce qu'ils ont eu droit à de nouvelles références qui ont sûrement marqué au fer rouge leurs esprits. Génération Club Dorothé oui, Minikeums sûrement, animation japonaise évidemment, mais surtout génération du petit écran.
Si, dans les années 80, les séries montraient des familles bien rangées, avec des personnages féminins un poil cruches mais sacrément bien foutus, la fin des années 90 va servir un tout nouveau menu aux jeunes ados : des séries plus tranchées, avec des personnages féminins badass.C'était déjà le cas dans l'animation japonaise avec Sailor Moon ou encore She-ra dans les années 80, les personnages féminins combatifs, indépendants et qui s'assument ont mis du temps à arriver dans les séries en live action.
La première de l'histoire, c'est incontestablement Buffy qui, en se battant contre les vampires et les démons, fera comprendre aux jeunes filles du monde entier que c'est leur féminité qui fait leur force.
Une chasseuse de vampire qui a posé les bases
Ce n'est pas nouveau de se questionner sur l'impact que les séries peuvent avoir sur le public. Iris Brey a même étudié le female gaze au cinéma et à juste titre. Car, s'il y a une façon plutôt normée de montrer les hommes dans les œuvres cinématographiques, il y en a également une pour les femmes.
Les années 80 ont vu apparaître des séries cruellement sexy (et misogynes). Alerte à Malibu, pour n'en citer qu'une, fera du corps des femmes l'objet central de la série. Jusqu'à l'apparition de Buffy contre les Vampires en 1997, les personnages féminins étaient tous faits dans le même moule : blanches, sexy et un peu cruches. Quelques rares courageux s'étaient essayés au changement, avec Xena la Guerrière ou Wonder woman, mais le male gaze était partout (et surtout sur les fesses des actrices principales).
La révolution, c'est Joss Whedon qui va l'apporter avec son personnage de Buffy. Certes, elle est mignonne, certes elle est mince, certes elle est blanche, mais au fil des saisons, certains changements qui apporteront de plus en plus d'inclusivité et de messages positifs... Comme un couple lesbien qui s'embrasse à l'écran (un affront ultime en early 2000).
Ce que l'on aime chez Buffy (en plus de ses couettes), c'est son vernis d'anti-héroïne délicieusement déculpabilisant : elle est gauche, mauvaise à l'école, n'arrive pas à garder une relation stable avec un mec et est prête à se sacrifier pour sauver le monde (bonjour le drama). Ce sont ces aspérités qui ont séduit le public, surtout féminin, parce qu'il y a quelque chose de déculpabiliser chez Buffy : elle n'est pas parfaite, mais ça ne l'empêche pas de sauver le monde. Ce sont ces irrégularités qui apportent un vent de fraîcheur dans le petit monde des séries. Pour la première fois, une femme s'autorisait à ne pas être parfaite. Ça paraît dingue avec le recul, mais Buffy est peut-être la première à nous avoir (un peu) rassuré en tant que femmes.
Une série qui a ouvert la voie aux autres
Si Buffy et son impact sont étudiés à l'université, ce n'est pas pour rien. Joss Whedon va amorcer un tout nouveau courant dans le monde de la télévision. Après Buffy naîtront les sœurs Halliwell de Charmed. Elles aussi sauveront le monde et tireront leur pouvoir de leur féminité mais également de leur sororité. Dès 1998, les sorcières arrivent à la télé et, jusqu'à la dernière saison de Desperate Housewives, Charmed restera la plus longue série avec des personnages principaux féminins jamais produite.
En 1998 toujours, ce sont 4 les quatre New-Yorkaises de Sex And the City qui font leur apparition et qui provoquent une autre révolution. Si, dans les séries fantastiques, on mettait en avant la combativité des personnages féminins, ici, on parle avant tout de sexe et on évoque, sans tabou, la vie sexuelle des femmes (encore une première).
Les millennials, une génération destinée à être féministe ?
On ne sait pas trop si c'est la TV qui a influencé la société ou l'envie de réécrire les codes qui ont poussé les producteurs à miser sur des personnages comme Buffy, Samantha ou Carrie, mais pour la première fois les jeunes filles (et les jeunes garçons) étaient confrontées à des problématiques beaucoup trop boudées à la TV (et ça c'est super). Le tout, en mettant en avant des personnages un peu comme tout le monde, mais en même temps pas vraiment... Un personnage à qui tout le monde peut s'identifier finalement.
@tubi it’s officially Buffy fall 🗡️ stream #buffythevampireslayer now on Tubi #sarahmichellegellar#tvseries#drama#horror#fallshows#tubi♬ original sound - Tubi
Si Buffy aborde la question de la combativité et de la nécessité de réveiller les tueuses du monde entier (vous avez capté la métaphore ?), les sœurs Halliwell parleront de la construction d'une femme et comment elle peut tirer sa force de la solidarité. Quant aux quatre fashionistas de Sex And The City, elles évoqueront tout le reste : l'importance du travail, la notion d'empowerment féminin (qui n'était qu'un balbutiement à l'époque), l'orgasme, la liberté sexuelle, la possibilité de s'habiller comme bon nous semble, le harcèlement de rue...
Toutes ces notions nous ont été offertes sur un plateau d'argent et ça a laissé des traces, chez les filles comme chez les garçons (aussi). Car il ne faut pas non plus minimiser l'impact de ces œuvres sur les hommes : le fait de voir des femmes fortes en lead dans une série, sans qu'elles aient besoin d'un homme pour les secourir, c'est une belle leçon sur ce que les femmes sont capables d'accomplir seules et que, finalement, elles n'ont nullement besoin d'un mec pour s'en sortir.
La suite, c'est quoi ?
L'impact de cette toute nouvelle vague à la fin des années 90 est allé encore plus loin que le début des années 2000. En 2004, c'est Desperate Housewives qui fait son apparition et qui nous montre que les femmes au foyer ne sont pas juste de bonnes cuisinières. Ugly Betty, en 2006, nous prouvera qu'il n'y a pas que le physique qui compte. En 2011, Game Of Thrones nous offrira des personnages féminins plus sombres et puissants que n'importe quelle autre série. Et, en 2017, Bruce Miller signera le cultissime The Handmaid's Tale, série féministe par excellence qui nous remet régulièrement les idées en place.
Toutes ces séries et l'impact qu'elles ont eu sont judicieusement décryptés par la chaîne Youtube Close Up qui, dans son format Pourquoi c'est culte ?, revient sur l'ensemble des impacts plus ou moins notables que les séries ont eu sur les différentes générations. Parce qu'il est évident qu'il n'y a pas que les futures sorcières (ou féministes) qui ont eu du rab en regardant la télé : tout le monde a été impacté et ça continue aujourd'hui (merci Netflix et les autres).