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Pourquoi anticiper sa contraception post-partum avant même d’accoucher ?
Pendant la grossesse, on a généralement tendance à rester focus sur la préparation à la naissance. C’est pourtant le bon moment pour penser à sa contraception post-accouchement - parce que, spoiler alert, on n’aura clairement pas la tête à ça après. C’est le message de Laure Geisler, médecin généraliste, créatrice de contenus et autrice du compte Instagram @lecoeurnet.info. Interview.
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HST : On entend beaucoup parler du retour de couche… Mais de quoi s’agit-il exactement ?
LAURE GEISLER : Le retour de couches est le terme utilisé pour désigner le retour des règles après l'accouchement. Selon les femmes, il peut advenir rapidement ou au bout de plusieurs mois, surtout lorsqu'on allaite. On parle également de retour de couches après une interruption spontanée de grossesse ou fausse couche - même si je trouve ce terme assez affreux car il n’y a rien de faux -, ou après une interruption médicale volontaire de grossesse.
Peut-on tomber enceinte juste après l’accouchement ? Et pendant l’allaitement ?
L.G. Oui, c’est possible, on peut globalement tomber enceinte dans le mois suivant l'accouchement. Une ovulation peut même se produire avant le retour des règles ! Pendant l’allaitement aussi, on peut tomber enceinte, sauf si on opte pour la méthode MAMA* qui fonctionne jusqu’à 6 mois après l’accouchement mais qui implique des conditions très strictes d’allaitement.
Après l’accouchement, à partir de quel moment doit-on reprendre une contraception ?
L.G. La méthode de contraception et le moment sont des choix très personnels. Si on n’a pas de désir de nouvelle grossesse, il est recommandé d’en discuter avec son médecin ou sa sage-femme, idéalement avant l’accouchement pour que le post-partum soit plus zen. Le questionnement est aussi valable pour une interruption de grossesse.
Pourquoi est-il recommandé d’anticiper sa contraception post-partum ?
L.G. Les premiers mois après la naissance d’un bébé représentent une période propice à la charge mentale élevée et aux oublis - de nombreuses grossesses non désirées peuvent survenir à ce moment-là. Donc il vaut mieux se renseigner et se poser des questions avant d’être complètement fatiguée. Une contraception bien anticipée doit être discutée et choisie avant la naissance, initiée dès que possible et adaptée au nouvel environnement de jeune maman pour permettre sa tranquillité d'esprit. Pour rappel, hormis pour la contraception définitive, on peut tout à fait changer de méthode contraceptive au fil du temps.
Quels contraceptifs sont les plus adaptés ? Est-ce compatible avec l’allaitement ?
L.G. Il en existe plusieurs avec des délais d’initiation différents. Pour les mères qui veulent une contraception immédiate à la sortie de la maternité éventuellement opter pour un implant qui peut être posé à la maternité. Sinon on peut aussi poser un stérilet en cuivre (48h après l'accouchement cuivre mais l'usage n'est pas courant en France) ou des contraceptions progestatives (pilules ou DIU 3 semaines après l'accouchement), les méthodes mécaniques ou naturelles peuvent être une option discutée. Certaines méthodes de contraception sont compatibles avec l'allaitement comme l’implant, le stérilet, les préservatifs, les méthodes naturelles comme celle de l’observation de la glaire cervicale ou la méthode MAMA si on se connait bien et si on maîtrise la méthode. On peut opter aussi sur des pilules contenant uniquement de la progestérone, (ou pilule mini-pilule) car les contraceptifs contenant des œstrogènes sont contre-indiqués dans les six mois après l'accouchement et pendant l’allaitement.
Est-ce important d’informer son ou sa partenaire de la reprise de contraception post-accouchement ?
L.G. Oui bien sûr. C'est une charge qui doit se partager, à moins de faire un bébé dans son dos (rires). Dans les couples hétérosexuels, de plus en plus d’hommes sont dans le désir de partager la charge contraceptive. La vasectomie peut d’ailleurs être une solution chez monsieur. Dans ce cas, on en parle pendant la grossesse quand on est plus au clair puis on la programme après la naissance si on le souhaite. En résumé, on anticipe aussi la contraception dans le couple.
Faut-il respecter un délai de quelques jours avant de refaire l’amour avec son ou sa conjoint.e ?
L.G. Il faut surtout s’écouter ! Il est intéressant d’en parler avec son médecin ou sa sage-femme en fonction de l’examen après l’accouchement, notamment s’il y a eu des déchirements, une épisiotomie… On va conseiller d’attendre la fin des saignements même si ce n’est pas obligatoire. Cela peut prendre plusieurs jours, plusieurs mois… Il n’y a pas de moment idéal. On peut avoir envie de reprendre une activité sexuelle en douceur, en prenant le temps, sans qu’il n’y ait de pénétration. En tout cas, chez les femmes ne souhaitant pas de grossesses rapprochées, il est recommandé de débuter une contraception efficace au plus tard 21 jours après l’accouchement.
Si notre partenaire nous met la pression pour avoir de nouveau des rapports après l’accouchement, que faire ?
L.G. Il faut malheureusement rappeler que le consentement est valable en toutes circonstances a fortiori dans le couple. Il est tout à fait normal de ne pas avoir envie de rapports après un accouchement ; on a besoin de temps pour s’en remettre physiquement et émotionnellement, et on n’a pas forcément la tête à autre chose que son bébé. Pas question de se forcer pour faire plaisir ou par “devoir conjugal”. Et ça, tout le monde doit l’intégrer. Ce qui importe, c’est la communication. Chacun doit entendre les besoins de l’autre. Si on le souhaite, il est possible d’explorer d’autres formes d’intimité que celles en lien avec la pénétration. Dernier point, si on n’en a pas du tout envie, on le dit et le partenaire peut se débrouiller tout seul avec sa main ou des objets prévus à cet effet ! C’est peut-être l’occasion d’en rire et de dédramatiser la
Si l’on a peur d’avoir mal, comment en parler ?
L.G. Ce sont des peurs normales ! Choisissez le moment, exprimez vos émotions, vos besoins, vos préoccupations… et si vous souhaitez reprendre une sexualité, prenez votre temps. Cela peut se faire par étapes, en commençant par une autre forme d’intimité avec des massages ou des rapprochements sans pression. Engagez la communication pour éviter les non-dits. Et surtout, ne vous forcez pas.
Une sexualité épanouie après l’accouchement, c’est possible ?
L.G. Oui bien sûr ! Avoir un enfant, cela peut être difficile pour le couple mais cela va créer une nouvelle relation. Parfois on est obligé de faire l’amour dans la journée, pendant la sieste de l’enfant… mais il faut dédramatiser les périodes où c’est moins bien. La sexualité est possible, mais pas obligatoire.
Quel est le délai moyen de reprise d’une activité sexuelle pour les parents ?
L.G. On se fiche des délais et on se fiche d’être dans la moyenne ! L’important, c’est d’étudier nos propres besoins et émotions. On peut comprendre que le partenaire en ait des différents, mais il faut les communiquer pour bien le vivre.
* Méthode MAMA (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée) ; une méthode naturelle de contraception en cas d’allaitement. Lors de la tétée, le bébé stimule la production de prolactine chez la mère, une hormone qui empêche l’ovulation.
** Il faut certaines conditions pour appliquer la méthode dite « MAMA » : enfant de moins de 6 mois ; nourri exclusivement au sein, à la demande, nuit et jour (6 à 10 tétées par jour), pas plus de 6 h entre 2 tétées la nuit et pas plus de 4 h le jour ; ne pas avoir eu de règles depuis l’accouchement
Source: Ameli. Quelle contraception après un accouchement ? Disponible sur : https://www.ameli.fr/assure/sante/devenir-parent/accouchement-et-nouveau-ne/contraception-apres-un-accouchement