Doit-on réellement toujours être heureux ?

À l'heure ou la perfection est légion et que la dictature des réseaux sociaux bat son plein, pouvons-nous toujours nous autoriser à être malheureux ? Sommes-nous en train de devenir obsessionnels d'un bonheur fantasmé ? Explications.

Écrit par Juliette Gour le

Peut-on encore s'autoriser à être malheureux dans un monde qui prône la jouissance permanente ? En d'autres termes, le malheur a fini par devenir quelque chose de superflu, voire quelque chose que l'on fuit comme la peste. 

Mais est-il vraiment judicieux de faire le tri dans nos émotions ? Tronquer une partie de notre ressenti nous permet-il toujours d'avancer ? Certains psychanalystes montent au credo, comme Dirk De Wachter, psychanalyste belge qui signe un livre éclairant sur la nécessité du malheur et l'importance qu'il peut avoir sur la construction de l'humain.

Car si le bonheur est finalement la quête ultime et l'aboutissement d'un ensemble de facteurs qui nous ont permis de nous construire un environnement confortable et apaisant, il est aujourd'hui presque devenu une injonction. On DOIT être heureux, à tout prix. Mais, au profit du bonheur matériel, basé sur la possession, nous avons, petit à petit, délaissé le bien-être mental et l'équilibre qu’il requière. 

Et si, on décidait de lâcher la rampe et de s'autoriser à être malheureux ? Parce qu'il semble essentiel, dans un monde où tout va toujours plus vite et où nous ne prenons plus le temps de ressentir les choses, de se recentrer sur nous-mêmes pour comprendre ce que l'on ressent. Parce qu'il ne faut pas croire qu'il est mal de ressentir du malheur ou de ne pas toujours être au top de sa forme. Ces instants down sont essentiels pour notre construction et Dirk De Wachter l'explique très bien dans son livre. 

Ensemble, faisons le point. 

Enjoy,

Les Éclaireuses

Vers la glorification du "toujours plus"

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Si le bonheur dépend de beaucoup de choses, de facteurs internes et externes aux personnes, nous sommes, peu à peu, entrés dans une certaine boulimie de la jouissance. Nous cherchons à avoir toujours plus : une maison plus grande, une voiture plus brillante, des vêtements plus griffés. Même s'il n'y a aucun mal à aspirer à mieux, au contraire, pour certaines personnes, cela fait office de moteur, nous avons fini par créer un schéma totalement déséquilibré qui oscille entre une joie presque orgasmique et une déception maladive. Le tout, sans juste milieu.

Pire, quand nous sommes heureux, nous voulons le faire savoir, sans modestie ni retenue. Nous inondons les réseaux sociaux de notre réussite, de nos acquisitions, allant toujours vers plus de démesure.

Mais est-ce pour autant donner un sens à sa vie que de posséder et consommer ? Et si l'humain s'était, peu à peu éloigné des choses vraiment importantes ?

La psychologue américaine, Emily Esfahani Smith explique que l'humain repose sur 4 piliers essentiels pour vivre pleinement. Elle expose toute sa théorie dans une célèbre conférence TEDX qui conclut sur l'idée que la quête obsessionnelle de bonheur finirait par produire l'effet inverse. À trop désirer ou à chercher absolument à être heureux, nous finirions par cultiver une certaine frustration chronique qui tendrait vers un malheur permanent. Car si l'on glorifie celui qui a, on fustige presque celui qui n'a pas, en le mettant à part. 

Plus globalement, Dirk De Watcher fait une analogie assez parlante, il explique qu'il est nécessaire de se reposer entre deux orgasmes et que, finalement, dans la vie, ce serait la même chose : il est important de cultiver les moments de plénitude qui ponctuent notre quotidien mais qu'ils ne doivent pas devenir une nécessité absolue qui vampirise chaque journée.

Notre vie a-t-elle toujours un sens ? 

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Est-ce que le bonheur absolu donne-t-il vraiment un sens à notre vie ? Nous sommes en droit de nous poser cette question. Posséder, profiter, oui, mais dans quel but ? Celui du plaisir éphémère et personnel ? S'il est essentiel qu'il faille penser à soi et à son équilibre émotionnel, il ne faut pas pour autant s'enfermer dans une bulle solitaire qui exclut nos pairs. Plus largement, on s'enferme dans un narcissisme systémique qui nous coupe, petit à petit, du monde du partage et de l'émotion pure. Ce nouvel aspect de l'humain est très visible chez les jeunes, biberonnés aux écrans et aux réseaux sociaux. Si internet a effacé les frontières immatérielles entre les gens, il a fini par imposer une frontière entre le réel et le virtuel, modifiant au passage l'un des sens premiers de l'humain : la sociabilisation. 

On n'évoque pas assez l'importance de donner un sens à sa vie, c'est pourtant un besoin essentiel de l'humain, nous avons besoin de sens, sous peine de nous retrouver dans le vide, sans objectif et sans rien à quoi inspirer. La sociabilisation, la création de lien avec d'autres humains entre dans ce besoin de sens, échanger pour exister, partager pour rythmer notre vie, faire preuve d'altruisme pour se sentir bien. Il est essentiel de garder en tête que l'humain est un être fondamentalement communicant. C'est parce que nous avons une connaissance de nos émotions, des mots et la possibilité de créer des schémas communicationnels que nous sommes humains et il est important de cultiver cet aspect pour garder un sens dans notre quotidien.

La recherche de sens devrait, selon certains philosophes, devenir notre priorité, plus que le bonheur même. Car indirectement, avoir une vie avec un sens nous permettrait, in fine, d'être sincèrement et profondément heureux.

Ne plus fuir le malheur

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Nous sommes des êtres complexes, non binaires et riches d'une multitude d'émotions. Même s'il est évident qu'il est toujours plus agréable de ressentir du bonheur que du malheur, les émotions négatives ne restent pas moins essentielles pour notre construction. Car si nous fuyons le négatif comme la peste, surtout dans une société qui nous pousse à toujours être positifs et heureux.

Pourtant, le positif et le plaisir peuvent surgir de n'importe où, même des épreuves de la vie. S'il paraît évident de dire qu'après la pluie vient le beau temps, il est important de garder en tête que rien n'est jamais figé dans le temps, mais qu'il faut se laisser ressentir les choses. Nier un chagrin ne permettra pas d'aller mieux plus vite. Intérioriser une déception ne la fera pas disparaître. Nous acceptons les petits chagrins de surface, comme pleurer devant un film (surtout quand le chien du film meurt) mais nous fuyons les gens en deuil ou qui ont cruellement besoin de soutien. La société a besoin d'un retour à l'indulgence et au lâcher-prise. Car si nous sommes exigeants avec nous-mêmes, nous le sommes encore plus avec les autres. Prendre le temps de ressentir, d'accepter l'émotion, qu'elle soit positive ou négative, nous apprendra beaucoup de choses sur nous-mêmes et nous fera finalement grandir ou avancer. 

La vie ne peut pas être un orgasme permanent, mais elle peut être ponctuée de petits instants de joie, de minutes de plénitude parfaite et de chagrins, petits ou grands. C'est la richesse émotionnelle qui permet de créer un équilibre dans notre vie et de tempérer notre quotidien. Ainsi, ne boudons plus notre chagrin, il peut s'avérer plus utile qu'on ne le pense !

Pour aller plus loin

Il y a parfois des livres qui redessinent notre façon de voir la vie, il se pourrait que L'art d'être malheureux de Dirk De Watcher soit l'un d'eux. Si l'auteur évoque la nécessité de trouver un sens à sa vie, ce livre a le mérite de nous guider  la piste de la réflexion nécessaire. Il paraît même essentiel de jeter un œil curieux aux lignes de l'ouvrage, même si c'est juste pour s'imprégner de quelques lignes, elles pourraient profondément bouleverser votre façon de penser. N'attendez plus pour lire L'art d'être Malheureux de Dirk De Watcher, aux éditions La Martinière

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